Histoire de l’usinage dans la vallée de l’Arve

Published 7 juin 2022
Valle d'Arve panorama

Tout a commencé par la production de pièces horlogères

Sur les versants du massif du Mont-Blanc se niche le lit du torrent de l’Arve-ainsi que le riche héritage industriel de sa Vallée. Aujourd’hui connue comme un pôle mondial de l’usinage de précision, la Vallée de l’Arve connait au fil des siècles un développement graduel et stable de son activité. Ce serait en 1720 que tout commença lorsque qu’à Saint-Sigismond, un village des hauteurs de Cluses, un certain Claude-Joseph Balladoud revint d’un séjour passé à Nuremberg avec de toutes nouvelles compétences en matière d’horlogerie. Il apprendra aux paysans des alentours à confectionner certaines petites pièces servant au bon rendement des montres de poches. Durant les longs mois d’hiver où le revenu des moissons faisait défaut, ce nouveau commerce fut le bienvenu et des ateliers dont les productions se destinaient aux fabriques de Genève se multiplièrent.

La révolution industrielle et l’invention du tour à décolleter

Vint ensuite la révolution industrielle du 19ième siècle et ses moteurs électriques. La mécanisation de cette industrie aida le secteur à passer d’une organisation artisanale à une organisation industrielle et favorisa l’établissement de nombreux ateliers et usines. Ce fut en 1873, plus exactement, qu’une innovation importante eut lieu dans l’évolution économique de la Vallée de L’Arve : la mise au point par l’entrepreneur César Vuarchex du tour à décolleter. Un équipement permit de tourner, et donc d’usiner à plus grande échelle, les pièces d’horlogerie. C’est autour de cette invention que s’enracinera l’activité du décolletage sur le territoire de la Haute-Savoie.

La fin du 19ième siècle et le début du 20ième siècle sonneront les débuts de la crise horlogère ainsi que l’apparition de nouveaux secteurs industriels, obligeant alors les ateliers locaux à s’orienter vers d’autres marchés. C’est là que la Vallée investit des secteurs comme l’automobile, l’électricité et surtout l’armement puisque l’État français fit de cette dernière son fournisseur d’armes -et de pièces pour armement- durant la première guerre mondiale. Ainsi, le décolletage vint s’affirmer comme l’activité principale de la Vallée.

Fraiseuse CNC

Un riche réseau de collaborateurs d’usinage dans la vallée de l’Arve

Plus tard encore, les Trente Glorieuses et leur résurgence économique furent le tremplin de l’envolée de l’industrie automobile, donnant beaucoup d’élan à celle du décollage. Dès lors, l’écosystème industriel de la Vallée su répondre à la compétition internationale ainsi qu’aux exigences des donneurs d’ordres par la flexibilité et la haute qualité de ses productions, notamment grâce à des équipements sans cesse mis aux goûts du jour dans lesquels les ateliers avaient investi alors que les marges bénéficiaires entaient fortes. D’autre part, la création d’un Centre technique de l’industrie du décolletage en 1962 vint garantir la pérennité du savoir-faire de la région et solidifier son socle dans les marchés mondiaux de l’usinage de précision. Si ces éléments peuvent expliquer à eux-seuls le chemin que la Vallée s’est frayée sur les marchés, sa topographie fut au moins aussi favorable à sa réussite, notamment parce qu’elle astreint l’ensemble des acteurs à une proximité géographique. Cette concentration de 800 petites entreprises industrielles a donné naissance à un tissu de collaboration et de solidarité. On peut y retrouver des organismes de formations spécialisés ainsi qu’un réseau important de fournisseurs et de prestataires. C’est ainsi que dans les années 70, sur les 35 km de la Vallée de l’Arve, le décolletage occupera 8 000 personnes, et réalisera 65 % de la production française globale.

High-tech production with CNC equipment

Alors même que l’industrie connait son premier coup dur quand, en 1974, le choc pétrolier freina brutalement la production automobile, le décolletage haut-savoyard sut tirer son épingle du jeu. En plus du marasme causé par la diminution des commandes, l’entrée dans un nouvel âge technologique amena de nouveaux modes d’obtention des matériaux et, avec eux, de la concurrence. Tirant partis de cette dernière, les donneurs d’ordres imposeront des commandes réduites à un rythme saccadé. Ici encore, la Vallée s’est démarquée grâce à modernité de ses équipements, notamment grâce à ses tours à commandes numériques qui étaient la meilleure alternative pour produire de petites séries à bas coûts. Passant ainsi de la production courante à la production de haute technicité, la Vallée devint alors le premier centre mondial de la connectique, non par la quantité mais par la qualité de ses productions.

La reprise de l’industrie du décolletage en 1990 détournât le décolletage haut-savoyard de la production courante, le dirigeant vers des produits haut de gamme. La région laisse ainsi la connectique destinée aux ordinateurs, dite civile, aux pays de l’Asie du Sud-Est et se spécialise dans la connectique de précision qui englobe des applications civiles allant de l’aérospatiale à la micromécanique, en passant par le matériel chirurgical.

 Pièce usinée au cnc

L’union entre une conjoncture favorable, sa capacité de collaboration et d’adaptation remarquables du tissu économique de la Vallée de l’Arve, lui ont assurément valu sa position dominante sur les marchés. Ni les avancées techniques, ni l’arrivée de la mondialisation n’ont effrayé les décolleteurs haut-savoyards qui ne semblent promettre qu’une seule chose : la pérennité de leur savoir-faire. Pour conclure Thierry Miller, PDG de DJC pense que « les entreprises de la vallée comportent encore de gros potentiels avec du personnel très attaché à la région ce qui est très appréciable en tant que dirigeant ».

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